Gryfen

08/12/2024

Gryfen

Les deux symboles qui représente Sylios. Le dieu de la vie et de la mort. Le dieu d'absolument tout. La peur et l'incompréhension s'insufflant en moi, je murmure alors le serment sacré.

"iev te thad, intradei."


[Nouvelle non terminée]


Chapitre 1 :

Je ne suis pas heureuse. Ne cos shi nos layban. Un coup sur mon bras, un coup dans mon ventre, un coup dans mon visage, et je tombe au sol. Je sens mes mains se glisser contre mes zones touchées, guidées par la douleur. Ils s'éloignent doucement et je réouvre mes yeux.

Je suis au sol dans la forêt la plus sombre. Celle qui entoure mon village. D'un rapide coup d'œil, je m'assure qu'ils sont partis et époussette mes mains pleines de terre et de poussière. Je me relève difficilement en me retenant de gémir de douleur. Je sens que ma bouche est engourdie par les coups qu'elle vient de recevoir.

"Gryfen ! S'exclame une voix au loin. Où es-tu ?"

La mention de mon nom me fait frissonner et je me redresse en me retournant. Une grande elfe arrive en courant jusqu'à moi et s'arrête. Elle souffle et me lance un regard noir.

"Stupide enfant ! Ne vois-tu pas qu'il est tard ? Et qu'est-ce qui t'es arrivée ?"

Je ne prend pas la peine de répondre et baisse ma tête. Comment je pourrais même tenter de lui expliquer ? Elle ne prend pas la peine d'insister, comme prévu, et attrape mon bras violemment en me tirant entre les arbres.

On arrive après de longues minutes et sans dire un mot, elle me pousse dans sa maison. Tous sont déjà attablés et ils me lancent un regard noir en murmurant entre eux. Trois garçons elfes, et leur père qui me fait signe de m'asseoir à table avec eux. Je me glisse sur l'une des deux places libres et regarde la femme elfe faire de même en face de moi. Elle dit quelque chose tout bas à son partenaire et ils servent à manger en discutant avec leurs enfants. Enfants dont je ne fais pas partie.

La soirée se termine à nouveau dans le silence pour moi. Je suis envoyée dans la chambre tout au bout du couloir et comme d'habitude et elle se fait fermer à clef une fois que je suis passée. Pas de confiance... Mais comment leur en vouloir ? Accueillir un monstre dans sa maison, ce n'est pas quelque chose que tout le monde ferait.

Je lance un regard à mes mains grises, et relève ma tête pour observer à nouveau mon environnement. Les murs sont froids et vides de décoration. Je n'ai rien à y accrocher et je n'en voit pas l'intérêt. Le seul meuble de la pièce est un vieux matelas usagé et malpropre posé dans un coin poussiéreux. Je ne m'en plains pas, car c'est bien mieux que dormir dehors.

Je m'installe sur ledit matelas et me recroqueville contre le mur en soupirant. Demain, rendez-vous avec le prêtre du village, qui décidera si je suis ou non un danger pour le village. Je ne stresse pas, car je sais déjà que je vais à nouveau me faire rejeter.

Et c'est en suivant le fil de mes pensées que je m'endors doucement, en laissant tomber ma tête sur le matelas.

"Gryfen ! Gryfen !"

Je sens des mains sur mon corps se poser violemment et dans un sursaut de surprise, je saute sur mes pieds et lance un regard autour de moi, à la recherche de mes agresseurs. Personne ne se trouve dans la pièce, mais un sentiment d'insécurité me traverse. Je comprend dans la seconde et plisse mes yeux afin de voir les silhouettes translucides dans la pièce. Tiens... Ce ne sont pas les même que ceux qui me frappent à l'orée de la forêt. Peu rassurée, je me colle tout de même contre le mur en voyant l'un d'entre eux s'approcher de moi. Il me murmure alors :

"Nies rav yenr sed sor- sorcior ?"

Je fronce mes sourcils et me concentre pour comprendre. C'est assez rare que ces être lumineux me parlent... Je suis simplement sûre d'avoir compris le verbe "yenr" qui signifie "envoyer". Et le mot sorcier. Leurs visages apeurés me font comprendre et j'hésite.

Est-ce que... Est-ce que je les aides ? Si c'est moi qu'ils viennent voir, je dois être la seule à pouvoir faire quelque chose.. Me souvenant des catastrophes dont me parlait ma mère lorsque j'étais petite, j'acquiesce et ouvre la fenêtre en me faufilant à l'extérieur.

Ma mère est morte. Je ne peux pas me souvenir de quand, ou d'où. Les seules choses dont je me souviens à son sujet sont le fait qu'elle m'a abandonnée lorsque j'avais cinq ans, et les contes qu'elle me racontait le soir, avant que je ne m'endorme. Ainsi que quelques mots du dialecte des morts...

"Gryfen ! Gryfen !"

Je relève mon visage en me concentrant et aperçoit l'esprit devant moi. Il semble soulagé de me voir l'accompagner et frissonnante de froid face à la nuit, je le vois me faire signe. Je me glisse entre les arbres de la forêt en priant pour ne pas me faire piéger.

"Gryfen ! Gryfen !"

Il remurmure mon nom et je ne peux m'empêcher de râler. Quand vont-ils utiliser mon prénom ? Quand vont-ils oublier mon nom de famille ? Le voyant accélérer le mouvement, je fais de même et me met à courir entre le feuillage et branchage des arbres. Je court de plus en plus vite et d'un coup, je vois l'être transparent apparaître devant moi. Avant même que je ne puisse m'arrêter, je passe à travers lui et un froid glacial me transperce de partout alors que j'hurle de douleur en m'effondrant sur le sol.

Ma conscience se réveille alors, mais pas mon corps. Je ne peux pas ouvrir mes yeux, mais je peux quand même voir apparaître un décors autour de moi, comme si je l'imaginais. Il m'est impossible de mouvoir mon corps mais je sens mon esprit se relever. C'est une plaine de noir. Le sol ressemble à une terre cramée et au loin, il est impossible d'apercevoir quoi que se soit. Le ciel est d'un gris clair opaque et je n'arrive pas à paniquer, comme si tout était normal. Puis, petit à petit, un monument apparaît devant moi, s'élevant jusqu'à quelques mètres au dessus de ma tête. C'est un édifice en pierre blanche, avec un écriteau en bois sur sa surface. Mon esprit s'y dirige tout seul et s'arrête devant la petite pancarte. Je peux y voir deux dessins. Un soleil gravé à côté d'un S.

Les deux symboles qui représente Sylios. Le dieu de la vie et de la mort. Le dieu d'absolument tout. La peur et l'incompréhension s'insufflant en moi, je murmure alors le serment sacré.

"iev te thad, intradei."

Vie et mort, entraide. Je baisse ma tête pour montrer mon respect et un hurlement de douleur me fait rediriger mes yeux. Mon regard fixe alors la silhouette agonisante d'un autre être translucide qui vient d'apparaître à quelques mètres. Il rampe alors jusqu'au monument, le touche du bout des doigts, et récite le serment avant de disparaître dans un soupire.

Paralysée, sans comprendre et sans intervenir, j'en vois un autre apparaître dans la même position, et il suit le chemin du précédent avant de disparaître à son tour. Je recule doucement, et m'évanouie à nouveau, perdue et secouée.

Nouveau réveil mais plus maîtrisé cette fois. J'ouvre mes yeux rapidement, me relève avec mon corps et regarde autour de moi. Je suis toujours dans les bois, à l'endroit exact ou j'ai percuté l'esprit qui semble m'avoir fait voyager jusqu'à ce lieu étrange. Je tourne sur moi même pour chercher à le trouver mais il a disparu. Aucune trace de lui nulle part.

Je laisse un soupire d'agacement sortir de ma bouche et réfléchit. Qu'est-ce que c'était ? Pourquoi me le montrer ? Que se passait-il ? Ces êtres, ces morts, semblaient souffrir de quelque chose. Mourraient-ils à nouveau ?

Une main se pose sur mon épaule et je sursaute en me retournant. Mon regard blanc croise celui du père de ma famille d'accueil et je peux y lire la colère.

"Est-ce que tu es folle ? Sortir en pleine nuit ? Dans la forêt ? Que faisais-tu ? Tu pratiquais de la magie noire c'est ça ? Hein ? Tu as tout d'un être dangereux, je ne comprend pas pourquoi Myla s'entête à te garder avec nous."

Myla est sa femme qui est venue me cherche la veille, et comme d'habitude, je ne répond pas et baisse ma tête. Je n'ai aucune excuse qu'ils pourraient accepter et il me pousse vers la direction d'où je viens pour me ramener à sa maison. On marche en silence et j'entend au loin le murmure de mon nom de famille. Faible comme-ci ils allaient disparaître, comme si on s'éloignait et que je devais les retrouver.

Je dois les retrouver. Quelque chose me dit que je dois le faire.

Le père de la famille me pousse dans ma chambre et referme à nouveau la porte à clef pour me laisser finir ma nuit. Mon regard se rend vers la fenêtre et comme je m'y attendait, elle est verrouillée d'un cadenas en métal. Je tente sans succès de l'ouvrir et laisse tomber en me jetant sur mon matelas.

Je dois attendre demain pour voir le prêtre, me faire rejeter, et partir de ce lieu pour retrouver ces êtres qui sont en danger. Peut-être que je suis ridicule, que je me trompe, que je me fais des idées, que je suis folle, que je suis effectivement un monstre qui voit des esprits qui n'existent même pas. Mais je n'ai rien d'autre à faire de ma vie, alors autant suivre mon instinct.
Chapitre 2 :

Je marche la tête basse en direction de la maison du prêtre du village. Il m'est impossible de courir dans l'autre sens, de m'enfuir, car tout autour de moi se trouve les elfes du village. Pendant que je marche, puisque le chemin est long, je repasse rapidement les raisons de ma présence dans ma tête. Mon plus vieux souvenir remonte à cinq années après ma naissance, lorsque un elfe nomade m'a trouvée inconsciente dans des draps au milieu des plaines derrière la chaîne de montagne Gornamu. J'étais très jeune, mais ma mémoire peut être qualifiée d'exceptionnelle, ce qui explique que je me souviens de toutes les sensations et paroles de l'époque.

Il m'a nourrie, ayant pitié du petit être que j'étais et m'a confiée à un prêtre de Gornamu, chez les nains. J'y ai grandie quelques années là-bas. Je ne posais pas de questions sur mes parents, sur mon apparence différente, et au moment où j'ai commencé à discuter avec les esprits que je voyais, on m'a rejeté de partout, me laissant à l'abandon dans le monde. J'ai erré quelques semaines dans la forêt de Kyon, au centre du continent, tombant sur des petits villages d'elfes comme celui-ci. Chaque fois, durant ces dernières années, il ne leur faut pas plus d'une semaine pour m'exclure.

"Redresses-toi." M'ordonne la femme elfe, en me serrant avec force mon bras droit.

Je suis donc son ordre et mon regard blanc croise celui sage et bienveillant du prêtre qui se trouve debout devant moi. Il me sourit doucement et commence à parler à la foule derrière nous.

"Chers villageois. Nous sommes ici réunis pour décider si la présence de cette jeune fille est un danger pour notre communauté. Comme vous avez pu le voir, elle n'est pas comme nous. Mais plus étrange encore, elle n'est n'y une humaine, ni une naine, ou même une fée. Sa peau grise est inhabituelle et il est normal que vous vous posiez des questions sur sa présence."

Le silence règne dans l'assemblée, et je n'écoute que d'une oreille ce que l'elfe religieux explique. Je connais déjà la suite des évènements. Une pression sur mon bras me fait me redresser à nouveau et j'entend Myla soupirer. Je me reconcentre donc, et je vois le prêtre la tête baissée, les mains jointes et les yeux clos. Ses murmures d'abord bas s'élèvent et il s'exclame :

"Sylios, dieu de tout, je-"

Je ne le laisse pas continuer et comme toute les fois où j'entend ce nom, je murmure.

"iev te thad, intradei."

Le prêtre écarquille ses yeux, et son regard surpris croise le mien, fatigué de toute cette mascarade. Il connaît le serment et sait que ce n'est pas le leur. Le miens, celui que ma mère citait dans toutes ses histoires, c'est celui des morts, des esprits, des êtres transparents.

Si je me souviens des quelques mots prononcés par ma mère lors de mes plus jeunes années, je n'ai aucun souvenir de notre maison, du lieu où nous étions, de son apparence, de notre famille -si nous en avions une-.

"Elle doit partir. Annonce le prêtre, l'inquiétude dans ses yeux; Sa différence est maintenant évidente, et pour la sécurité de tous, je ne m'étalerais pas plus dessus."

Je sentis l'elfe me lâcher précipitamment et tout en me retournant, je me pris une centaine de regard inquiet, et apeurés. N'attendant pas qu'on me jette par delà le village, je m'élance avec agilité entre les arbres et m'enfuie vers la forêt. Même si cette réaction est similaire et aussi attendue que toute les dernières, je ne peux m'empêcher d'être déçue. Même si j'en doute, j'aimerais un jour être acceptée quelque part, et ne plus avoir à fuir. Mais avant, j'aimerais comprendre pourquoi personne ne me ressemble et pourquoi je vois ces morts partout.

Me prenant les pieds dans une racine plus grosse que les autres, je tombe dans l'herbe et ma tête frappe violemment le sol. Elle tourne légèrement et je plisse mes yeux de douleur en me redressant. Aïe...

"Gryfen.... Lehp"

De l'aide ? Ils demandent de l'aide ? Je saute sur mes pieds et me tourne dans la direction d'où provenait la voix. Cette plainte, ce gémissement de douleur.
Ma tête me tourne et je sais que je ne vais pas tenir longtemps si je ne me repose pas.

Je cours le plus rapidement que je peux dans la direction des voix, un peu perdue et faible. Mes pas ralentissent peu à peu, et je m'écroule doucement contre un arbre, toujours appelée par plusieurs esprits dans une direction incertaine.
Mes paupières se ferment et je me laisse partir vers le sommeil.

Une odeur de brûlé, de chaleur, je n'ai pas froid. Mais en plus du feu qui doit brûler pas loin, certainement dans une cheminée, je sens une couverture déposée par dessus moi. Une couverture ? Mais-?

J'ouvre précipitamment mes yeux et me redresse dans le canapé où je suis installée. Je regarde tout autours de moi mais impossible de voir qui que se soit. La fenêtre à droite de la cheminée en face de moi laisse entrer les derniers rayons du soleil. La nuit arrive, et je ne sais pas où je suis.

"Bonsoir, jeune fille." Murmure une jeune voix en arrivant proche de moi.

Je me tourne vers l'étranger et croise le regard violet d'un petit garçon. Environ 8 ou 9 ans je dirais... Un sourire flotte sur ses lèvres et il m'observe avec un air bienveillant que je n'ai jamais vu depuis plusieurs années.

"Qui êtes-vous ? Je demande, tout de même sur mes gardes. C'est peut-être un sorcier fort en charme, qui pourrait me vouloir du mal.
-Je m'appelle Reaper. Explique-t-il sans bouger, Et toi ? Qui es-tu ?"

J'hésite doucement et il le remarque sûrement puisque son sourire s'agrandit. Il s'approche de moi et s'installe à l'autre bout du canapé pour tout de même me laisser de l'espace. Il sembla attendre avec patience que je réponde et je finis par murmurer.

"Je m'appelle Gryfen.
-Enchanté Gryfen, je suis un sorcier. Je t'ai trouvé à quelques kilomètres du lac Min à côté duquel nous nous trouvons"

Le lac ?? J'ai couru jusqu'au lac ? Impossible... Je ne suis pas si rapide.. Mon regard perdu croise le sien et doucement, je me lève en repoussant la couverture. Mes vêtements sont les mêmes que ceux que m'ont donné les elfes et j'aperçois mes chaussures proches de la porte d'entrée.

"Tu sais que si tu dors dehors, c'est très dangereux ? Tu peux rester ici, ça ne me dérange pas.
-Tes parents seront pas d'accord.
-J'en ai pas, alors c'est réglé."

Comment ça il n'a pas de parents ? Les enfants sorciers sont des menteurs ? Je lui lance un regard désabusé et me bloque en lisant dans son regard aucune trace d'hésitation.

"Attend... C'est vrai ?"

Il acquiesce distraitement et ne me quitte pas du regard alors que j'hésite. Ça ne me coûte rien de rester.. non ? Mais je dois partir, les morts ont besoin de moi.

"Peut importe où tu comptes aller, ce n'est pas dans cet état que tu y arriveras."

Mon habitude de ne pas répondre me reprend et je baisse ma tête en retournant m'asseoir sur le canapé. Il a raison. Je suis bien trop faible pour tenir dehors, au milieu de nulle part, en pleine nuit.
Son regard se met à pétiller quand il me voit revenir et je détourne le miens en regardant à travers la fenêtre.
Cette nuit je dors ici, mais demain je pars.

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