Chapitre 4

Le lendemain de notre arrivée à la forteresse, le réveil fut revigorant. Le sommeil de plusieurs heures nous avait fait profondément du bien, à Lox, Mytha et moi. Une fois prêts à entamer cette nouvelle journée, nous nous retrouvâmes dans la salle de repas où un petit déjeuner royal était servi. La reine était absente, partie tôt dans la matinée rejoindre un conseiller dans sa demeure à quelques heures de là. Je dégustai mes petits pains avec délice quand je vis Mytha jouer tristement avec sa nourriture devant lui. Lox était perdu dans un parchemin de sortilège, il avait trouvé la bibliothèque de la forteresse la veille au soir et y avait passé une bonne partie de sa soirée. Il y passerait sûrement une grande partie de sa journée d'aujourd'hui également.

Je m'approchai du prince et penchai ma tête sur le côté, curieux. Je lui demandai alors, doucement :

« Que se passe-t-il, Mytha ? La nourriture ne te fais pas envie ?

— J'ai peur, Dylan. Pour mes parents qui sont restés là-bas... Ils sont peut-être morts.»

Je frissonnai d'horreur à cette idée et baissai tristement ma tête. Il y avait malheureusement des chances qu'ils soient morts, de la main des envahisseurs. Mais ils pouvaient tout autant êtres vivants et se battre pour rester en vie, résister à cet acte barbare de la part des Bulbins.

« Tu sais aussi que c'est possible. Soupira Mytha en reposant son couvert; Je veux vraiment que vous m'appreniez à me battre, pour que je puisse leur venir en aide à mon retour, ou les venger.

— Je sais Mytha, nous commencerons cet entraînement dès la fin du petit déjeuner. Mais il faut manger pour pouvoir réussir à vraiment progresser. Affirmai-je. Lox releva sa tête et acquiesça en souriant au prince pour l'encourager.

— Si tu veux, je te montrerai ce qu'il est possible de faire avec la magie ce soir.» Proposa mon camarade magicien avec amusement. Une flamme d'envie se ralluma dans les yeux du prince qui reprit de l'allure en acquiesçant. Il était simple depuis quelques jours d'oublier que le prince n'était encore qu'un enfant. Les responsabilités allaient probablement lui tomber dessus, en temps que prince des Yelbuk, hors de son royaume et chez son alliée. De plus, le poids de la malédiction n'allait pas quitter ses épaules de sitôt et je craignais au fond qu'il culpabilise d'être la faute du génocide de son peuple. Mon regard croisa celui de Lox, qui hocha sa tête, comme s'il savait à quoi je pensais. C'était sûrement le cas, au vu de notre connaissance l'un de l'autre.

Je terminai mon assiette quand un homme entra dans la salle en courant, le visage soucieux. Il croisa le regard surpris de Lox et s'approcha de lui afin de lui transmettre un message :

« Le grand sorcier de Tzek demande à s'entretenir avec le Prince d'un sujet de la plus haute importance. Il attend en ce moment même dans la salle du trône, que dois-je lui dire ?

— Eh bien.. Réfléchis Lox; Dîtes lui que nous arrivons et que son choix est simple : il peut soit s'exprimer sur ce qu'il a à dire en notre présence, soit pas du tout. La reine sera également informée de tout échange dès son retour. Revenez nous dire quel sera son choix.»

Le messager acquiesça rapidement et repartit aussi vite qu'il était venu hors de la salle. Le prince me lança un regard perdu et je fronçai les sourcils, n'en sachant pas plus. Neyo referma son parchemin et s'exclama :

« Décidément ! Le destin décide de me freiner dans l'étude de la magie, ce n'est pas la première fois que l'on m'empêche d'étudier l'un de ces parchemins de magie.»

Je compris qu'il faisait sans mal référence à notre départ précipité de notre château, quand je suis venu le chercher dans la bibliothèque. Je rigolai légèrement, amusé de sa situation et il leva ses yeux au ciel, amusé de ma réaction. Le prince se leva alors tandis que le messager revint à toute vitesse.

« Les conditions lui vont. Il vous attend.

— Bien, merci beaucoup. Répondis-je en me levant à mon tour.

— Allons-y alors.» Fit Lox en haussant les épaules, curieux de ce dont le sorcier allait parler.

Le messager retourna à ses occupations et nous suivîmes le prince dans la salle du trône, à seulement quelques couloirs de là où nous étions. Nous entrâmes dans la pièce et furent accueillis par un vieil homme, aux cheveux noirs, une capuche trônant sur sa tête, cachant partiellement son visage. Ses mains étaient liées devant son bassin et un léger sourire flottait sur son visage. On ne voyait pas ses yeux, et un frisson me traversa le dos, me mettant étrangement mal à l'aise. Était-ce un effet de sa puissante magie ? Après tout, un sorcier n'est sorcier que par sa sagesse ainsi que sa puissance magique. Je lançai un regard à Lox, et il ne semblait pas perturbé d'un poil, et complètement à l'aise. Le prince était quant à lui légèrement intimidé, devant un tel personnage. Le sourire du sorcier s'agrandit et il s'approcha de Mytha avant de lui serrer la main. A chaque geste, il me mettait encore moins à l'aise en sa présence, mais je fis abstraction de mes intuitions et fit confiance à mon camarade magicien, qui semblait extrêmement bien se porter.

« Je suis enchanté de faire votre rencontre. Fit doucement le sorcier, sa voix rocailleuse résonnant dans mes tympans. J'hochai simplement de ma tête et laissai Mytha et Lox répondre.

— Enchanté également. Fit Mytha; Vous vouliez me voir ?

— Oui. Mais il était préférable que tu te trouves en présence de tes chevaliers protecteurs. Continua le vieil homme; Ils doivent à présent te raconter, t'annoncer et t'expliquer cette malédiction qui plane sur toi. Le moment est venu, ton destin arrive et touche à présent tes talons, l'heure est bientôt là.

— Que voulez-vous dire ?? M'exclamai-je, pris de cours; Comment ça c'est le moment ?

— Calme toi, Dylan. Demanda Lox avant de reprendre; Monsieur, expliquez-vous, pourquoi serait-ce aujourd'hui ? Mytha est loin d'être prêt.

— Je ne comprends pa- Tenta le prince, aussitôt coupé par la réponse du sorcier.

— Il n'y a pas de prêt. Il le sera quand le moment sera venu, et ce dernier approche. La mort arrive avec et elle s'abattra. La victime sera la bonne, je le souhaite, je l'espère, mais c'est pour ça que vous êtes là pour lui expliquer.

— Vous saviez ? Fit Mytha à nouveau, en se tournant vers nous, le regard trahi.

— Oui. Confirma Lox; Le roi nous a fait promettre de ne rien dire.

— Vous devez lui dire. C'est urgent. Nécessaire, Le Sanglant est sur le chemin.»

Mes sourcils se froncèrent et je tiquai : "Le Sanglant" était le surnom du souverain des Bulbins. Que racontait-il donc ? Ce serait vrai ? La malédiction finirait donc bien par arriver ? Je me perdis dans mes pensées jusqu'à ce qu'une main glaciale se posa sur mon épaule. Je me concentrai et croisai le regard du sorcier, sa main posée sur mon épaule. Il me sourit doucement, et leva sa tête, croisant mon regard. Un nouveau frisson me parcourut et je senti mon estomac se nouer violemment, engendrant une forte nausée. Il retira sa main, un rictus aux lèvres et répéta une dernière fois cette phrase :

« Vous devez lui dire.»

Il quitta ensuite la pièce, sous nos regards médusés et je me laissai tomber sur un siège en bois de la pièce. Ma tête commença à tourner et j'entendis de très loin les voix de Neyo et Mytha qui commençaient doucement à s'élever. Un énième frisson me parcourut et ma tête arrêta de tourner, me permettant de me relever et d'écouter la discussion.

« Comment ça vous saviez ?? S'écriait Mytha, les bras croisés et le regard noir.

— Ton père nous a interdit d'en parler. Continuai de dire Lox, en essayant de lui faire entendre raison.

— J'ai vécu toute ma vie entouré de gens qui savaient ! Vous savez pourquoi tout un peuple veut ma mort alors ! Et vous savez pourquoi j'ai dû rester enfermé ! Et toute ma vie, alors que je posais question après question, vous n'avez daigné répondre à aucune d'entre elles ! Vous n'avez même pas expliqué la raison ! Rien ! Rien du tout !

— Mytha.. Tentai-je, afin de lui expliquer.

— Quoi ? Tu vas me dire que tu voulais c'est ça ? Qu'est-ce qui t'en empêchait alors ?

— Non, on ne va pas juste s'entêter à t'expliquer pourquoi on ne t'en a jamais parlé. Trancha Lox; On va tout te raconter, et tu vas enfin apprendre de quoi il en retourne, et pourquoi les Bulbins en ont après toi.»

Mytha ne répondit rien et se contenta de nous observer tour à tour, curieux d'enfin apprendre la vérité sur cette malédiction qui le concernait.

Lox me regarda, me demandant silencieusement qui commençait ce récit. J'acquiesçai et commençai à expliquer, sous le regard attentif du prince :

« A ta naissance, un sorcier est arrivé au royaume. Il raconta à tes parents qu'une malédiction s'était abattue sur l'héritier du royaume, soit toi. La malédiction était simple : Un jour, tu serais destinée à mettre fin aux jours du souverain Bulbin. Seulement, le monarque des Bulbins - avec qui nous étions alliés à l'époque - appris quelle serait ta destinée et interpréta cette malédiction comme une provocation. Il stoppa tout lien avec notre royaume et ton père eut peur des représailles. Il eut peur qu'un jour, quelqu'un tente de te tuer, alors il t'a gardé auprès de lui dans le château durant toute ta vie.

— Cependant, Continua Lox; Les Bulbins ont fini par envahir le pays, afin de mettre leur main sur toi et de te tuer, pour que leur souverain ne meurt jamais. Avec Dylan, on trouve ça d'ailleurs étrange qu'ils aient agis d'une telle façon, comme si leur seule détermination à vivre était de te tuer.» J'hochai la tête, et croisa mes bras en reprenant :

« Aujourd'hui, ce sorcier nous a annoncé que le moment était venu pour la malédiction de se réaliser et que bientôt, tu mettrais fin aux jours du roi Bulbin. Ou bien, lui mettra fin à tes jours, se débarrassant de cette malédiction.

— Je dois alors dorénavant encore plus suivre cet entraînement afin de pouvoir lui trancher la tête, lui qui a anéanti mon pays.

— Tu n'es pas prêt ! Contra Lox; Tu es bien trop jeune et inexpérimenté pour faire une telle chose ! Tu dois être protégé en attendant de pouvoir même tenter quelque chose de ce genre.

— Je ne vais pas faire patienter mon peuple plusieurs années juste parce que je suis jeune ! S'indigna Mytha.

— Quoiqu'il arrive, tu n'es juste pas encore prêt. Fis-je en réfléchissant; Attendons le retour de la reine, on en discutera avec elle, après tout nous sommes dans son royaume. En attendant, Lox et moi allons réaliser ton entraînement.»

Quelques heures plus tard, dans la journée, la reine revint de son excursion pendant que nous étions dans la salle d'entraînement des chevaliers de Tzek. Elle nous fit savoir que tant qu'elle serait là, le prince aurait tout le temps nécessaire pour s'entraîner. Et que le sorcier était à présent logé dans les quartiers des invités, venant de très loin également.