Chapitre 3

C'est avec une dextérité hors-pair que nous nous sommes débarrassés de ces ennemis. Après, rien de très surprenant de la part de deux chevaliers royaux aussi puissants que Dylan et moi. Mais ce qui m'a le plus étonné, ce fut la position de combat du prince. Elle était parfaite et n'avait aucune faille - du moins d'apparence -. Jamais Mytha n'avait mis les pieds hors des murs du château avant aujourd'hui, étant constamment étroitement surveillé par un membre de la famille royale ou l'un de leurs gardes dont Dylan et moi faisions parti. Jamais il n'avait eu accès à d'aussi détaillés récits ou leçons concernant des combats et encore moins un entraînement chevaleresque. Il n'était pas censé en savoir autant, et aussi bien; d'où tenait-il cette connaissance ? Était-elle innée ? Était-ce simplement un coup de chance ? Je secouai ma tête afin de me reconcentrer sur le chemin devant moi. Mytha et Dylan étaient mus de silence et semblaient également perdus dans leurs pensées. Cela faisait plus de deux jours que nous marchions et nous n'avions fait pas plus de quelques pauses brèves afin que l'un de nous puisse dormir quelques heures maximum, de manière alternée.
Mes pas devenaient lourds alors que la fatigue me jouait des tours. Voilà plus d'un jour et demi que je n'ai pas dormi. Le dernier à avoir pu fermer les yeux fut Mytha, il y a une vingtaine d'heures environ. Je savais qu'au fur et à mesure qu'on avançait, nos forces faiblissaient, et il nous serait difficile de faire face à une attaque.
« Sommes-nous bientôt arrivés ? Demanda Mytha soudainement; Je doute pouvoir continuer encore longtemps..
— Ça ne devrait pas prendre trop de temps. Assura Dylan en souriant; ces fleurs ne poussent qu'à l'orée du royaume des Tzeks.»
Je suivi du regard ce qu'il désignait et tombai sur de magnifiques violettes, éparpillées dans l'herbe au bord du chemin. Un sourire égaya mon visage et je me penchai pour en regarder une de plus près. Elles étaient vraiment belles.
« Tu vas en prendre une ? Fit Dylan, amusé de me voir les observer de si près.
— Pourquoi pas ? J'en attrapai une et la tendit à mon camarade en rigolant; Cadeau !»
Il ria et l'attrapa en me remerciant. Mytha continua d'avancer et on le suivit en accélérant le pas, poussés par l'espoir de découvrir notre point d'arrivée. Les arbres commencèrent à se faire moins nombreux et le soleil pu lécher nos visages froids et fatigués. Nous vîmes au loin quelques maisons rassemblées autour d'un chemin de terre, guidant jusqu'à la forteresse de la reine Jyenn. Imposante et imprenable, elle trônait en haut d'une montagne, derrière la ville.
Enfin, voilà notre destination, nous voilà arrivés tout proche du but. Je commençai à marcher sur le chemin de terre du village, en direction des premières maisons. Dylan et Mytha me suivirent, au pas de course et l'accueil fut loin d'être aussi chaleureux que nous l'attendions.
« Qui êtes-vous ? S'écria l'un des habitants Tzeks de la frontière; D'où venez-vous ? Les gardes sont en ville !
— Je m'appelle Lox, chevalier de la famille royale du royaume de Yelbuk. Me présentai-je calmement; Le roi nous envoie, afin de demander protection et couvert à votre reine.
— Qu'est-ce qui me prouve que vous n'êtes pas l'un de ces Bulbins agressifs qui envahissent notre royaume allié ?
— Nous sommes bien des gardes royaux de Yelbuk. Continua Dylan; Je vous assure, nous devons absolument voir la reine.
— Je n'ai aucune preuve ! Vous n'irez nulle part ! S'énerva le paysan, vigilant; Comment osez-vous vous proclamer de la garde royale ! Vous n'avez rien, aucun sceau, aucun symbole ?
— Excusez-moi monsieur ? Nous nous retournâmes vers le jeune prince, qui fit quelques pas en direction du Tzek; Je suis le prince Mytha, fils du roi Cayn de Yelbuk.» Il farfouilla dans les poches de son pantalon et en sorti un petit emblème en métal, représentant un corbeau tenant une émeraude entre ses griffes. C'était l'emblème de la famille royale. A sa vue, le paysan perdit ses moyens et s'agenouilla en bredouillant :
« Je suis profondément désolé ! Je ne voulais en aucun cas vous manquer de respect..!
— Ne vous en faites pas. Soyez plutôt fier de défendre votre pays ainsi que votre reine ! M'exclamai-je, un sourire aux lèvres.
— Relevez-vous donc, monsieur. Fit Dylan en l'aidant à se redresser. Le paysan le remercia.
— La reine est à sa forteresse, elle y dirige le royaume en ce moment, en conseil avec les dirigeants des villes. Entrez donc, je vais vous faire appeler un garde du centre du village ! Il vous mènera à la forteresse.»
Nous acquiesçâmes, tous épuisés de ce long voyage - seulement quelques jours, mais quelques jours fastidieux et étirés comme des semaines -.

A la suite du paysan, nous rentrâmes dans sa petite maison, où le feu de cheminée donnait une atmosphère chaleureuse et réconfortante. Il ne fallut que quelques secondes pour que Dylan, Mytha et moi nous retrouvions devant les flammes chaleureuses. Le paysan resta dehors le temps d'envoyer quelqu'un chercher un garde et revint à l'intérieur, nous apportant gâteaux et eau afin de nous rassasier.
« Je m'appelle Ealkmic. Un garde arrivera dans la journée pour vous emmener au plus vite à la forteresse. Je suis désolé que ce soit aussi long, nous sommes l'un des villages les plus éloignés.
— Il n'y a aucun problème ! Assurai-je en lui prenant un gâteau; Nous sommes vraiment reconnaissants de votre charité.
— Oui ! Merci beaucoup de votre accueil chez vous. Confirma Mytha en souriant.
— C'est un véritable honneur votre majesté ! » Assura le paysan.

Après quelques heures à dormir, grâce à la bonté de Ealkmic nous ayant prêté les lits de sa maison, nous nous levâmes à l'arrivée du garde. Lorsque nous le retrouvâmes dans la pièce principale, il discutait avec notre hôte Tzek. Il finit par se retourner et nous salua d'un simple mouvement de tête.
« Nous allons partir en direction de la forteresse. Des chevaux nous attendent dehors, êtes-vous prêts ?
— Oui, nous le sommes.» Répondis-je, surpris ; des chevaux ? Ealkmic a dû insister sur l'urgence de la situation, je doute que ce soit une simple formule de politesse.
Il hocha la tête et nous fit signe de le suivre. Je sorti de la maison, Dylan et Mytha sur mes talons et le premier remercia une dernière fois notre hôte avant de grimper sur la monture lui étant destinée.
« Nous pouvons partir ! Nous arriverons à la forteresse dans tout au plus quatre heures. La reine est prévenue de votre arrivée, elle nous attend.
— Nous avons un message du roi Cayn. Annonça Dylan, d'un air solennel.
— Oui, ce fut transmis. La reine est très inquiète de la situation de son allié.
— Nous aussi..! Avoua Mytha d'une petite voix; J'espère tellement qu'ils vont bien.»
Le silence se fit, et nous observâmes les paysages étrangers et merveilleux de ce royaume. Tout était nouveau, impressionnant et surtout presque jamais exploré par des Yelbuk. Seuls les marchands avaient l'habitude de changer de royaumes régulièrement, s'habituant aux différents paysages.
« Je suis navré pour vos nombreuses pertes. Annonça alors le garde, en direction du prince ; nous avons appris par nos marchands que le royaume avait été décimé par les Bulbins.
— Oui.. Je vous remercie. J'espère qu'il sera possible de sauver les derniers survivants, s'il y en a. Avoua Mytha.
— Le roi Cayn a sûrement trouvé un moyen de les mettre en sécurité ! » Annonçai-je, espérant au fond que ce soit le cas.

Au galop, nous finîmes par arriver trois heures et quelques minutes plus tard. Les grandes portes étaient ouvertes pour notre arrivée, et les habitants de la forteresse acclamèrent le prince et son arrivée. J'observai autour de moi et fus impressionné du bâtiment, majestueux et dégageant une prestance peu commune. Un des gardes royaux Tzeks nous annonça que la reine nous attendait dans la salle du trône. J'hochai la tête et nous nous y rendîmes, mené par un autre garde. En entrant dans la grande salle, nous nous agenouillons devant la reine, qui rigola doucement en s'exclamant :
« Debout, debout ! Ne soyez pas si conventionnels ! Qu'est-ce qui vous amène exactement ? Prince, Chevaliers.
— Nous sommes envoyés par le roi Cayn. Commençai-je, alors que nous nous relevions; Notre royaume a été envahi par les Bulbins, comme il vous l'a sûrement été rapporté. Il nous a été confié comme mission, à mon camarade chevalier et moi-même de protéger et amener le prince héritier ici, afin de vous demander de nous apporter votre protection d'alliée, reine Jyenn.
— Je vois ! Oui, j'ai avec tout mon regret entendu parler de ce terrible évènement. Il est évident que vous êtes, tous les trois, les bienvenus ici. Je demanderai à préparer deux suites, afin que vous soyez alaise. Considérez-vous tels des invités je vous prie. Garde Liaaé ! Je vous prie d'emmener ces hommes aux quartiers des invités, afin qu'ils puissent se reposer et reprendre des forces.»
La garde hocha de sa tête en acceptant et nous fit signe de la suivre. Alors que nous lui engagions le pas, la reine nous indiqua qu'elle nous invitait le soir même au repas, afin que nous puissions manger et discuter avec elle de la situation.

Une fois la porte de notre suite refermée, Dylan se laissa tomber sur l'un des deux grands lits : évidemment, l'une des suites était pour nous, tandis que la deuxième était pour le prince. Les portes se situaient l'une en face de l'autre, nous permettant de venir en aide à Mytha si le besoin survenait. Je m'installa sur mon propre matelas et respira enfin un grand coup, soulagé d'être arrivé à destination.
« Je n'y croyais plus ! S'exclama alors Dylan; Cette marche a été terrible ! Si longue et fastidieuse !
— Je suis d'accord. Elle fut de plus inattendue. Mais nous avons réussi, et le prince est enfin en sécurité entre ces murs. Répondis-je avec un sourire.
— Honnêtement, j'ai très peur pour le roi Cayn et sa femme. Soupira-t-il alors; Tous les Bulbins semblaient si violents, et prêts à tout. On aurait presque dit que quelqu'un leur aurait menti par rapport à la malédiction. Ils agissaient comme s'ils avaient été ensorcelés..!
— Je suis d'accord.. Ils ressemblaient à des soldats sans âme, comme s'ils étaient animés par l'ordre de tuer.»
Dylan secoua sa tête et soupira à nouveau, inquiet pour notre royaume. Il avait raison, les soldats Bulbins semblaient avoir perdu leur humanité ! Mais que faire..? Nous ne pouvions pas y retourner. Notre mission était claire, protéger le prince, jusqu'à ce que toute la situation se calme. Malgré notre arrivée dans le château de la reine Jyenn, on ne pouvait pas se permettre de la quitter aussi simplement, laissant derrière nous le prince. Il était sous notre responsabilité.
« Au fait, Commença Dylan; Tu as vu la position de combat de Mytha ?
— Oui ! Acquiesçai-je, heureux qu'il aborde ce sujet; Comment est-ce possible qu'il se soit retrouvé à avoir une garde parfaite ? Tu l'as entraîné ?
— Non ! Justement, je me posais la même question. Tu ne lui as pas appris à se battre ? Me demanda-t-il.
— Non, pas du tout. Je ne comprends pas, ce n'est pas possible que ce soit simplement arrivé comme ça. Il semblait avoir une vraie flamme de combattant, alors qu'il n'a jamais vu le dehors ou de réel combat.
— Exactement.. Mais je pense qu'il a un potentiel à développer. M'avoua Dylan.
— Tu voudrais l'entraîner ? Qu'on le fasse devenir un combattant ? Un chevalier ? Fis-je surpris de cette idée, tout en y réfléchissant un peu plus.
— En réalité, j'ai vu son air lorsque l'on s'est fait attaquer dans la forêt. Je pense que si nous ne l'entraînons pas, il le fera tout seul, et c'est plus dangereux.»
J'acquiesçai, en accord avec lui et me perdit dans mes pensées, le prince un futur combattant ? Est-ce que ce ne serait pas la malédiction qui aurait créé un sentiment et une force de battant en lui ?

Après un moment de repos bien mérité, nous sortions tous les deux afin de nous rendre au repas de la reine. En passant la porte, nous découvrîmes Mytha juste devant, nous attendant dans le couloir. Je lu dans ces yeux cette détermination et force dont me parlait mon camarade plus tôt et le prince nous demanda :
« Je veux apprendre à me battre. A me défendre et à venger mon peuple. Je veux que vous m'appreniez.»